Si vous avez l'occasion de lire prochainement Roman avec Cocaïne d'Agueev, vous serez immédiatement surpris par une chose qui ne relève pas du style ni de l'intrigue, mais de sa date de parution. Ce roman, l'unique que l'énigmatique Agueev a jamais écrit, a été publié pour la première fois dans les années 20. L'histoire prend d'ailleurs pour cadre la révolution bolchevique mais c'est là encore un détail car l'histoire ne pâtit pas d'un ancrage historique trop lourd. Si je pense à votre surprise, comme à la mienne quand je l'ai lu, c'est parce qu'il y a peu de romans de cette époque qui m'ont donné l'impression d'avoir été écrits six ou huit mois auparavant. la langue d'Agueev est si contemporaine malgré sa facture classique, son regard si acerbe et désabusé, que tout le livre semble flotter au-dessus des années sans qu'elles ne parviennent jamais à le ternir.
Pour faire court, Roman avec Cocaïne raconte la vie d'un jeune étudiant qui tombe progressivement dans la drogue. Là encore, rien à voir avec un témoignage sur les affres de la cocaïne. ce roman se rapproche plutôt de Crime et Châtiment de Dostoïevski pour l'examen minutieux d'une conscience tourmentée.
Agueev se sert du cadre historique et de la poudre comme révélateurs de la tension qui habite son personnage. A travers lui, il dépeint un monde qui laisse un goût de métal dans la bouche. Il montre les passions et les pensées les plus négatives qui peuvent dans l'esprit se loger. Il ne laisse que peu de place à la rédemption sans toutefois la bannir tout à fait. Elle se loge sans doute dans la compassion que l'on peut ressentir pour son personnage quand, livide, il demeure étendu sur son lit.
Un roman essentiel. Mais on ne l'offre ni à belle-maman ni à mamie pour les fêtes, sinon on court au devant de sérieux soucis.