Bonjour à tous. Je rentre de six semaines passées à Montréal et j'avais envie de vous parler de cette ville que l'on connaît finalement peu de ce côté-ci de l'Atlantique même si la proximité que nous entretenons avec les Québécois pourrait souvent nous laisser croire le contraire. C'était mon troisième séjour là-bas. j'y suis allé une première fois il y a quinze ans, en plein coeur de l'hiver (-40°C, ça vous dit quelque chose?), puis une deuxième il y a neuf ans à la sortie de l'été. J'en avais gardé un souvenir tout à fait agréable et cette impression perdure.
On a tous des a priori sur les destinations que l'on choisit. Ceux liés à Montréal, Reprenons-les: Montréal est une ville où il fait froid, c'est une ville nord-américaine donc en cela sans grand intérêt, mais c'est aussi une ville agréable car les Québécois sont vraiment vachement sympas, surtout avec les Français parce qu'on leur rappelle leurs plus lointaines racines. N'oublions pas néanmoins que nous Français les avons un peu abandonnés en rase campagne il y a quelques siècles et que l'inscription qui figure sur les plaques minéralogiques, le célèbre "Je me souviens" n'est pas à prendre sur le ton de la nostalgie mais sur celui de la rancoeur promettant vengeance (c'est un peu "attends je me saurai m'en souvenir").
Alors oui, Montréal est une ville où il fait froid mais sachez qu'il ne faut pas évaluer les -35/-40°C au regard de notre propre expérience du froid ici en Europe. C'est indéniable, le premier contact avec une atmosphère quasi gelée est pour le moins surprenant, on a soudain l'impression que la poitrine va exploser. Mais l'humidité en hiver est tellement faible que le froid se révèle aussi percutant qu'un son mâte qui rebondirait sur les parkas et les bottes fourrées. Rien de comparable avec cet air humide qui nous glace les os en France dès que me mercure descend en dessous des 5°C. Pour tout vous dire, il m'est arrivé de me retrouver en T.shirt alors qu'il faisait 0°C. je dois tout de même préciser que lorsque l'on passe en deux ou trois jours de -40 à 0°C, forcément l'amplitude thermique permet quelques extravagances.
Alors oui, Montréal est une ville nord-américaine. Et, au risque de froisser peut-être certains, j'adore l'Amérique (comprenons USA+Canada), et les villes américaines. Je n'ai d'ailleurs jamais vraiment compris l'anti-américanisme qui anime une partie du pays depuis la fin de la seconde guerre mondiale, sans doute des restes d'un gaullisme aujourd'hui un peu vieillot. Les Etats-Unis sont une grande nation, avec une culture en tous points passionnante et comme toute grande nation, ce pays est peuplé autant d'imbéciles que de véritables génies, comme en France, comme ailleurs. Et vous serez sans doute d'accord avec moi que l'on ne peut en rien réduire l'intelligence et la complexité d'une nation à la bêtise de ses dirigeants. Donc oui Montréal est une ville nord-américaine et en cela elle est difficile à comprendre, pas vraiment belle, déracinée, sans histoire, anarchique, vibrante, insondable, complexe, terriblement complexe. D'un point de vue architectural, c'est un mélange de faux-ancien qui rappelle un peu des décors de cinéma pour un film sur l'âge classique, de buildings new yorkais, de rues anglaises avec leurs petits escaliers. Un point vraiment surprenant: l'omniprésence de la nature, servie par d'immenses parcs et par la sensation qu'il suffirait de faire quelques kilomètres en voiture pour se retrouver en pleine forêt, ce qui est vrai.
Enfin, les Québécois sont sympas. oui c'est vrai, ils sont d'une gentillesse et d'une délicatesse remarquables. Ils possèdent cette caractéristique très anglo-saxonne du "savoir vivre". On ne se bouscule pas, on se dit bonjour et pardon. On reproche souvent aux Nord-américains d'être superficiels, de lier facilement le contact sans aller plus loin par la suite. ce n'est pas faux. Mais je crois préférer vivre dans un environnement courtois même de surface que dans une sorte de jungle où je ne me fais pas plus d'amis et n'ai pas davantage de discussions profondes, comme à Paris. c'est un manière civilisée de vivre ensemble.
Mais je crois que la chose la plus saisissante et qui je pense est une des causes de cette courtoisie généralisée, c'est l'impression d'espace. Alors oui d'espace disons géographique, le pays étant très peu peuplé au regard de sa superficie, de longueur et de largeur des rues... Mais le plus important, c'est cette impression d'espace mental. Imaginez une bulle autour de vous, cette bulle c'est votre espace de vie personnel. A Paris, la diamètre de cette bulle est d'environ un mètre, parce que la densité est très importante, elle peut se recroqueviller et ne mesurer que cinq centimètres si vous prenez le métro. Elle est d'un mètre parce qu'il y a du monde partout tout le temps, dans la rue, chez le boulanger, sur les routes, dans les parcs, les restaurants, les magasins. Je crois qu'à Montréal, ma bulle était de cinq mètres de diamètre. On a de l'air dans la tête. Cinq mètres qui se réduisaient à trois si j'entrais dans un magasin surpeuplé. Cinq mètres, trois mètres, pour notre petite bulle mentale, c'est pas si mal, non?
Alors allez-y, vous verrez, vous sentirez: soudainement votre cerveau vous semblera fait de mousse expansive.
A bientôt